Un réseau est une scène de théâtre

Au risque de faire hurler les adeptes de la reproduction intégrale à l'échelle, compteurs de rivets et de brins d'herbe : j'admire leur patience, mais elle est vouée à l'échec. A moins de se contenter d'immortaliser leur oeuvre sur papier photo en lumière du jour, sur le lieu réel, et avec l'angle de prise de vue "du voyageur qui attend son train sur le quai", nul ne verra jamais le résultat de leurs années de travail tel qu'il l'ont rêvé. On choisit une échelle moyenne (HO ou N) avec ses imperfections, ses approximations, et qu'on le veuille ou non, aucun spectateurde nos petits trains circulant n'aura jamais l'impression de voir un "film d'époque". Examinons le point de vue du visiteur moyen : il mesure entre 1 m 30 (un enfant) et 1 m 80 (un homme de bonne taile), ses yeux sont donc entre 1,20 et 1,65 m du sol.. Voici la coupe de mon réseau, regardé par un adulte d'1 m 70 :

A l'échelle 1/87°, à quoi correspondent les deux visions :

- le spectateur assis est à 110 mètres des immeubles du fond et à 26 mètres au dessus du niveau des voies, soit à Angers dans la Rue de Bel Air au 6ème et dernier étage des immeubles (c'est l'option que j'ai prise pour ma décoration),

- le spectateur debout est au 18ème étage d'une "hypothétique" tour.

Voila pourquoi, dans les expositions, on conseille un niveau de voie à 1,30 m : le spectateur debout est au niveau d'un 7ème étage. Le fond de décor, quant il existe, fait entre 35 et 50 cm de haut, et le module atteint ainsi entre 1,65 et 1,80 m de haut, cachant totalement les coulisses à l'arrière. Pour les enfants, on prévoit un plancher accessible par 2 marches, qui les réhausse de 28 cm.

 

Les peintres l'ont compris :

Jean Claude Tramoni : Gare de Cherbourg MaritimeLouis Lasbouygues : Traffic

Certains thèmes ferroviaires sont traités "depuis le quai", mettant en valeur de grosses locomotives fumantes dans un décor de gare parisienne. Mais l'atmosphère d'une gare de triage ou d'un grand dépot nécessite toujours de "prendre de la hauteur".

Dès lors, on peut opposer deux conceptions du modelisme d'atmosphère :

- le diorama, "close up" photographique, fait pour être vu du niveau des rails, fermé sur tous les côtés, avec un premier plan fort et un fond bouché par un bâtiment pris en contre plongée, se détachant sur un fond de ciel,

- le réseau, vaste panorama où on verra circuler des trains aussi longs que possible, dans un décor varié et dense, avec des perspectives et des gros plans, mais qui demandera à être vu d'une "certaine hauteur".

Que propose le commerce en matière de fond de décor :

Faller "Lowenstein" : si quelqu'un a réussi à placer une gare devant ce décor, il m'explique, mais le ciel est beau
Vollmer "Ville en bordure d'un fleuve" déjà plus intéressant, mais pris d'un peu loin, et visiblement d'avion.

On voit dans le 2ème exemple que les nuages se reportent très loin sur l'horizon. Si on choisit ce type de décor, qu'on l'écrase en hauteur pour le ramener à une "vue du 7ème" , les bâtiments en volume , adossés au fond de décor , gagneront à être traités un peu plus petits (1/100°) que ceux situés le long des voies et a fortiori au premier plan. Il feront donc au maximum 15 cm pour 4 étages avec toiture ardoise à 60°, et seront surmontés pour un fond de 40 cm d'environ 7 cm de "toits en perspective", davantage si la gare est située dans une "cuvette". Restera donc au maximum 18 cm de "ciel", et les nuages ne s'y justifient pas.

Pour les amateurs de diorama, seuls des bâtiments réellement plus hauts que ceux de l'arrière plan peuvent apparaitre : un traitement de photo fortement atténué en couleurs peut donner un effet très satisfaisant, comme dans la "gare maritime" de JC Tramoni . Dès lors, le ciel est cadré en contreplongée, et on peut s'inspirer pour les nuages des documents Météo France ci après (du beau temps à l'orage) :

cumulus : beau tempsaltocumulus : moutonneux sans pluiecirrocumulus : ciel voilé sans pluie
cirrostratus : nuageux sans pluiestratus : temps gris, faible pluiealtostratus : risque de pluie
stratocumulus : faiblement pluvieuxnimbostratus : pluie assuréecumulonimbus: orage et grèle

On voit que la couleur du ciel est fonction du temps, et la couleur des bâtiments et des toits est très influencée par cette luminosité ambiante : Quimper sous le crachin , ce n'est pas Toulouse en Juillet ! Chaque région a ses couleurs, exemples :

Toits de Paris, fin d'après midi d'automneToits du vieux Chinon, après midi de printemps

Quand vous commencerez à peindre vos bâtiments, construisez vous une palette de couleurs de votre région, en accord avec la couleur de ciel que vous choisirez, et la saison que vous traiterez pour vos arbres. Il existe un ouvrage très bien fait sur le sujet : Les couleurs de la France, Maisons et paysages, de Jean-Philippe et Dominique Lenclos , Editions du Moniteur. Les auteurs traitent la France région par région, avec de nombreux exemples photographiques, depuis le panorama jusqu'au détail de pierre ou de fenêtre. Chaque région est enfin déclinée en palette chromatique, je reproduis ci après la palette des Pays de Loire, dont je m'inspire quotidiennement pour mon réseau.

En résumé : mes fonds de décor seront d'un bleu dégradé, un peu plus violacé vers le bas, un peu voilé de "cirrocumulus" vers le haut, ciel typique de l'Anjou par un printemps humide. Les bâtiments le long des voies seront traité exactement à l'échelle, ceux adossés au fond de décor entre le 1/94 et le 1/100, les rues en enfilade seront en perspective fuyante. Au printemps prochain, je retournerai à Angers pour prendre un panorama complet et jointif depuis le dernier étage des immeubles de la Rue de Bel Air. Ces photos, travaillées pour en délaver les couleurs en fonction de la distance, seront montées comme un puzzle, en concentrant les détails intéressants comme les bâtiments hauts ou les clochers, mon réseau ne couvrant pas tout le panorama. Rendez-vous cet été pour les première photos sur le site...